Campagne électorale du RPR en Tispana (Juin 2015)

Pendant qu’Irina Kudovrinka donnait le coup d’envoi officiel de la campagne républicaine, Tod, entouré de sa garde rapprochée s’était rendu sur le port de Tétaou. La mission était de montrer aux pêcheurs – et donc aux électeurs – que Tod et le RPR tenaient leur promesse en n'oubliant pas ceux à qui il avait déjà rendu visite. L’objectif était donc de créer « le lien ». Mais cette fois, Eva Zhyon avait épargné à l’estomac de son candidat la balade en mer. Au programme, visite de chalutiers, quelques mots sympa aux marins « Qu’il est beau votre bateau ! », « Vous êtes des modèles pour tous les fantispais », « Je vous admire beaucoup ». Bref, des mots de politicards en campagne… Ensuite, Tod avait droit à la rencontre avec des pêcheurs dans une salle de réception du port. Un petit jeu de questions-réponses. A sa droite, Nina Vox qui veillait à ce que le candidat RPR ne se fasse pas piéger et à sa gauche, l’omniprésente Eva Zhyon à laquelle Tod ne pouvait échapper.

- Votre gars là, comment y s’appèle déjà ? Gontran ? Un truc comme ça, on l’a jamais vu ici et il n’a jamais rien foutu pour nous ! s’enquit un marin à l’air bourru.
- C’est bien vrai ça ! confirma un autre, béret vissé sur la tête.
- Goranz. Léonard Goranz, répondit Tod. Mon secrétaire d'Etat a été discret, c’est vrai. Mais sa volonté était de ne pas… hum… pénaliser les activités du gouvernement. Et celles-ci étaient d’une importance vitale pour la reprise du fonctionnement de nos institutions. Il est vrai qu’il aurait pu venir vous encourager de temps à autres.
- Ce sont des fieffées conneries tout ça ! Les Môsieurs des Palais ne pouvaient pas débloquer des fonds pour soutenir nos activités par exemple ?
- La dernière fois que je suis venu vous voir, je vous avais prévenu : les fonds iraient d’abord nourrir les projets vitaux du pays.
- Et nourrir ma famille, c’est pas vital ça ?!

Eva Zhyon donna un coup de coude à Tod et prit la parole.
- Nous sommes très touchés par la situation précaire des pêcheurs. Vous êtes représentatifs des difficultés rencontrées par bien des fantispais. Mais les choses ne peuvent pas évoluer du jour au lendemain pour tout le monde.

Un brouhaha s’installa. Des discussions isolées se faisaient jour. La rencontre était difficile. Néanmoins, l’équipe de campagne se montrait à l’issue de cette journée satisfaite ; il fallait monter au front aussi souvent que possible pour ne pas se couper des fantispais.

Sur le chemin retour, la tête de liste RPR tispanaise se frottait le front dans l’espoir de calmer son mal de tête. Il ne dormait plus assez pour satisfaire sa fatigue. Eva lui rappela qu’il devait filer au Comité pour poursuivre les travaux cartographiques qui avançaient fort bien. Il soupira, chercha par la vitre le réconfort du regard d’Auguste ou de Becky et ne vit que la mer qui s’éloignait progressivement.

Dans la voiture qui le conduisait sur la Place de la Bourse à Tétaou où devait se tenir son premier meeting, Tod discutait avec Eva et Jean. Ce dernier tentait de minimiser son erreur – celle qui l’avait amenée à donner du crédit à une rumeur donnant Julio de Fortia comme jeune retraité.
- S’il ne part pas à la retraite, vous ne pouvez tout de même pas prétendre que sa position de numéro 7 est anodine…
- Non, bien sûr Jean, répondit Tod, mais il est clair qu’il n’est pas au placard.
- Quand même ! Pour qu’il soit élu, le PCF devra obtenir près de 50% dans cette circonscription… vous avouerez que c’est loin d’être gagné…
- Sauf que Tispana est une terre conservatrice, répliqua à son tour Eva.
- … et que les démocrates sont absents pour l’instant de l’élection, souligna le Ministre.
- Mouais… Quoiqu’il en soit, Fortia ne sera pas Premier Ministre, ça semble une évidence.
- Ca oui ! Il semblerait qu’ils aient choisi Victoria Brolodina en cas de victoire, confirma avec une grimace Eva. Ils ont choisi de jouer la carte du renouveau.
- Ouais, dit Jean Baubinne. Enfin en attendant, Brolodina, c’est un vieux de la vieille… enfin une vieille de la vieille… M’enfin, vous m’avez compris…
- Ecoutez, moi, ça m’arrange un peu, s’enquit Tod. Avoir une relation de Premier Ministre à Ministre avec un ami, ce n’était pas… facile.
- Tod, vous oubliez que vous ne savez pas si vous ferez vous-même partie du futur gouvernement.

Tod sursauta. Après tout, Jean avait raison, rien ne lui permettait de penser qu’il pourrait atteindre à nouveau un poste ministériel. Eva le sortit de sa torpeur.
- D’ailleurs, comptez-vous aborder cet aspect ? Union nationale ou non ?

Tod soupira. Il savait que cette question finirait forcément par se poser un jour. Et un jour ou l’autre, il savait qu’il devrait sortir de ce cycle là. L’Union nationale n’avait été instaurée que pour une seule raison : s’unir pour relancer l’activité nationale. Désormais, les institutions re-fonctionnaient à un rythme minimum suffisant. Ainsi, l’Union nationale n’avait plus de sens, de raison d'être.
- Je ne sais pas trop si je dois le faire aussi frontalement.
- Vous devriez, suggéra Eva. Les électeurs doivent savoir qu’ils doivent trancher clairement pour un camp ou pour un autre.

Tod se mordilla les lèvres et cherchait quelque chose à répondre pour se défausser. C’est Jean qui, en quelques sortes, vint sans le vouloir à sa rescousse.
- Je me demande pourquoi les monarchistes sont si silencieux. Qu’attendent-ils pour se lancer ? Le déluge ?

L’équipe de campagne était arrivée sur la Place de la Bourse. Celle-ci était relativement bien remplie. L’événement politique rassemblait près de 1800 personnes. Une très bonne nouvelle pour le dirigeant du RPR qui en espérait pas autant. Tout de suite, il sentit une certaine excitation parmi les militants du parti. Cela faisait grimper le curseur de la pression d’un cran ; il ne devait pas les décevoir. Lucide, il savait qu’il n’était pas une bête politique comme pouvait l’être Max. « Bon sang Max ! S’il avait pu être là pour me donner un coup de pouce » songea-t-il.

Alors qu’il se présentait devant la foule qui était chauffée par les militants du parti, sur une musique criarde, Tod levait les bras, tentait de sourire et d’oublier le stress qui l’habitait.

- Mes amis. Nous voilà à nouveau réunis ici, à Tétaou, pour lancer une fois pour toute cette campagne électorale. Une campagne électorale qui doit être le marqueur – pas de la relance – mais du développement. En effet, le pays a retrouvé ses bases « fonctionnelles ». Le temps est désormais venu de dynamiser l’activité par des mesures nouvelles ou par le soutien des programme existant. L’une des priorités de notre mouvement – et pas des moindres – est l’instauration d’un nouveau régime ; une « Républipauté ». Il s’agit du croisement iconoclaste de la République et de la Principauté. Cette Républipauté ne vise pas à éliminer la famille princière de notre environnement, mais à l’intégré dans un rôle aux pouvoirs amoindris. Un parlement et un gouvernement forts permettront de diriger le pays dans une continuité démocratique. Si ce point est essentiel, nous ne devons pas nous enfermer dans ce simple changement constitutionnel. Il ne suffirait pas à donner du prestige à Fantispa.

Nous souhaitons, en effet, engager – avec votre aide – une série de réformes économiques. Celles-ci ne pourraient voir le jour que par la création d’une Agence nationale de la statistique. Les données qui ressortiraient de cette agence permettraient d’instaurer un certain nombre de mesures liées à la consommation. Ces mesures favoriseraient donc la production des entreprises. Puisque c’est bien là que le problème se trouve : la consommation !

Nos difficultés passées ont – ne nous le cachons pas – créés des dettes. Un pays n’obtient pas de ressources s’il ne fonctionne pas. Pourtant, les dépenses diverses comme l’entretien des infrastructures nécessitent des fonds. Il faudra donc évaluer l’étendue de ces dettes et planifier le remboursement de celles-ci. Dans ce cadre, deux mesures seront inévitables pour arriver à l’objectif. Nous devrons d’abord augmenter la taxe d’importation pour l’amener à 25%. Cela aura aussi l’avantage de protéger notre faible économie. Ensuite, nous soutiendrons un impôt trimestriel sur les grandes fortunes visant les entreprises et les citoyens. Cette mesure devrait pouvoir favoriser également la consommation de biens ou de services et l’investissement qui seront les armes possibles pour échapper à cet impôt.

Vous l’avez compris, le volet économique du RPR est dense. Il permettra de relancer la consommation et donc l’activité des entreprises fantispaises. Ces mesures économiques accompagneront une transition institutionnelle qui nous est chère. Nous vous proposons un programme moderne, de changements calculés – nous ne voulons pas le changement pour le changement, mais le changement pour le développement. Aujourd’hui, nous avons besoin de vous pour arriver à réaliser ce projet. Nous ne ferons rien sans vous. Rejoignez la voie du développement. Dîtes oui à l’avenir.

- Je ne crois pas au hasard, lança Jean Baubinne.
- Moi non plus, répliqua la directrice de cabinet, Eva Zhyon.
- Alors, vous êtes d’accord avec moi ?
- Ce n’est pas ce que je dis.
- Mais alors qu’est ce que vous dîtes ?
- Que si le Ministre des Sports annonce la tenue de cette coupe, ce n’est pas forcément en lien avec notre programme de campagne.
- Ah mais non, arrêtez Eva ! Vous allez me faire croire que le hasard a fait que ça sort pile le jour même où Tod visite le parc micro-olympiques ?
- Pourquoi pas ?
- Oui, c’est cela. Et Brolodina donne un meeting sur le port le jour précis où l’armée est mobilisée… mais c’est le hasard.
- Que voulez-vous prouver Jean au juste ? Vous reprochez aux conservateurs de tenter d’être en phase avec l’actualité ? Ils ont raison. Nous en ferions de même si Tod n’était pas si borné.
- Ce sont leurs intentions qui me gênent ; parce qu’ils n’ont pas de programme, ils réagissent plus qu’ils n’agissent.
- Vous voyez Jean. Pour une fois, je suis en total désaccord avec vous. Serait-il préférable qu’ils parlent de la conquête spatiale – ou que sais-je encore – alors que tout le monde s’en fout ? Oh ! Nous reparlerons de tout cela plus tard, je dois rejoindre Tod au Parc micro-Olympiques justement. Mais détendez-vous Jean. Respirez.

Sur ces mots, Eva s’engagea dans le couloir l’emmenant vers la sortie du siège du RPR, alors que Jean ronchonnait.

En arrivant sur place, Tod et Caroline Dunoirre débutaient à peine la visite du Parc sportif. Des athlètes, des visiteurs, des curieux ou tout simplement des observateurs étaient là. Le candidat s’empressait de serrer des mains en ne manquant pas de féliciter les sportifs – qu’ils soient du « dimanche » ou les plus aguerris. Eva lui fit signe pour lui signaler sa présence. Tod, en réponse, lui décrocha un clin d’œil et continua à découvrir les lieux entouré par la foule.