Croyante dans l’âme, éduquée dans une famille ultra-religieuse – à la limite du sectarisme – Becky avait décidé de découvrir la religion nationale. Si la pratique religieuse est autorisée à Prya, elle est très peu développée. La religion semblait disposée d’un peu plus de moyen dans la Principauté, même si les fidèles ne se bousculaient visiblement pas au portillon de l’Eglise.
Vêtue de sa tenue du dimanche – Une robe pourpre couronnée de dentelles blanches aux manches et sur le décolletée (court, mais présent), des chaussures noires – Becky pénétra en silence dans l’édifice sacré. Elle marqua une pause comme pour marquer le moment d’une solennité qu’il ne possédait pourtant pas. Elle fit pivoter sa tête dans tous les sens afin de mieux contempler et apprendre le lieu qu’elle découvrait. D’un pas lent, elle emprunta la voie principale dessinée par les bancs de bois disposés de part et d’autre. Une femme qui faisait quinze ans plus vieille que son âge était assise au premier rang. La tête baissée, les épaules voûtées, on pouvait l’entendre chuchoter des mots incompréhensibles, mais prononcés avec ferveur.
Becky prit place quelques rangées derrière elle et regarda devant elle sans rien dire. Elle s’était enseignée sur l’Alhamisme ou du moins avait appris les rudiments et les base de cette religion. Elle serra fort ses deux mains l’une contre l’autre, baissa la tête et pria très fort en prononçant intérieurement ces quelques mots : « Je vous en prie Olloh, faîtes que Tod trouve vite du travail, faites que le pays puisse avoir au plus vite de nouvelles institutions, faites qu’on puisse trouver un logement décent pour qu’Auguste grandisse bien. Je vous en prie Olloh, faites que Tod arrête de bouffer ces saloperies de chips même s’il croie que je ne le sais pas. Et surtout Seigneur Olloh, faites que Tod cesse de ronfler quand il dort, c’est insupportable. Merci Seigneur. »
Sur ces mots, une main ridée se posa sur son épaule. Becky lâcha un petit cri étouffé, sursauta et cessa de respirer.
- Ne croyez pas ma bonne fille qu’Olloh sera bon avec vous parce que vous venez pleurnicher ici une fois tous les trente-six du mois.
- Pardon ?!
- Pour qu’Olloh soit bon avec nous, on doit lui montrer une fidélité et une assiduité de tous les instants. Je viens prier et chanter sa grâce six fois par jour, tous les jours, depuis treize ans. Je ne fais que prier pour mon bon fils et son défunt père qui est parti rejoindre Olloh.
- Oui, je vois… je suis désolée, mais je dois partir. On m’attend.
- Attendez…
- Non, je ne peux pas. Au revoir.
D’un pas rapide, Becky sortit de l’édifice sans se retourner de peur de voir la vieille sorcière lui sauter dessus. Son cœur battait aussi vite que les ailes d’une mouche qui dispute un cent mètres. C’était bien le problème des religions, elle attirait tous les extrémistes, elles en font des « bons » soldats, prêts à tout, n’obéissant qu’à la rigueur et aux dictâtes imposées par leurs serviteurs. Au moins, elle avait pu prier. Elle espéra qu’Olloh ait entendu sa détresse.